
Manon Impens
Déficience sensorielle
Introduction :
Pour le cours de déficience sensorielle donné par monsieur Mbogonda, il nous été demandé d’interroger une personne ayant une déficience visuelle. J’ai eu la chance de pouvoir interroger une jeune fille âgée de 20 ans.
Pour commencer, elle a bien précisé qu’elle est malvoyante de naissance, mais c’est à partir de 16 ans qu’elle s’est vraiment rendu compte de sa déficience. Elle a expliqué qu’elle a un décollement de la rétine, ce qui a provoqué la cécité. Sa maladie n’est plus progressive, car, à ce jour, elle est complètement aveugle. Elle ne saurait pas nous dire avec exactitude à quel âge cela a commencé à se dégrader, mais c’était il y a quelques années.
Elle ne vit pas spécialement bien la situation, surtout depuis l’âge de la prise de conscience de son handicap. Quand elle a vraiment réalisé les obstacles qu’elle allait rencontrer dans sa vie, cela lui a fait un choc. S’en est suivi un déni, un refus de confrontation face aux difficultés. Par la suite, elle a quand même essayé de passer outre et de, par exemple, essayer de trouver un job étudiant. Cela témoigne de sa volonté d’affronter son handicap, mais elle n’a reçu que des refus. Elle explique aussi que ses conversations avec les gens tournent vite autour de sa déficience et, forcément, ça la dérange. Elle a beaucoup de mal à l’accepter, encore aujourd’hui. On lui rappelle sans cesse qu’elle n’est pas comme les autres et le fait de ne pas pouvoir être autonome est vraiment pénible.
Lorsqu’elle doit procéder à un déplacement qu’elle connaît, cela ne lui pose pas forcément de problème. Elle sait prendre le bus toute seule, mais elle a quand même besoin que quelqu’un vienne la chercher à l’arrêt. Elle a tout de même quelques difficultés à prendre les transports en commun, car elle a toujours peur de rater son arrêt. Elle utilise donc une application qui est censée l’avertir lorsqu’elle doit sortir.
Quand il s’agit d’un nouveau déplacement et qu’elle n’a pas encore ses marques, elle éprouve beaucoup de difficultés. Cela nécessite l’accompagnement d’une personne afin de l’aider tout le long du trajet. C’est fortement le cas en ce moment, car elle commence tout juste à prendre le train. Si c’est quelqu’un qu’elle connaît, cela ne pose pas de problème. En revanche, elle est dérangée de devoir demander de l’aide en rue pour trouver son chemin ou autre, mais elle dit ne pas avoir le choix. Selon elle, les adaptations sur la voie publique ne sont pas du tout suffisantes et pas du tout adaptées à ses besoins. Elle raconte qu’elle habite dans un village et qu’il n’y a pas de trottoir. De plus, elle a constamment besoin de quelqu’un pour traverser en rue, car il n’y a aucun feu tricolore. Elle précise aussi devoir se déplacer avec un gilet jaune afin de pouvoir être vue de loin. Elle a cette faculté à vite se trouver des repères, ce qui lui facilite un peu plus la tâche et n’oublie jamais de sortir sans sa canne. Elle essaye de sortir le moins souvent seule pour ne pas courir de danger. On dit souvent que les personnes privées de certains sens développent les autres afin de compenser. C’est exactement ce qu’elle fait. Elle dit se servir énormément de son audition afin de détecter les obstacles mobiles et leur vitesse de déplacement. Cela fait partie des adaptations qu’elle a mises en place. Qu’il fasse jour ou nuit, c’est la même chose selon elle.
Pour ce qui est des tâches quotidiennes, elle a rencontré plusieurs difficultés dans sa vie comme faire du shopping, la cuisine ou tout simplement ranger sa chambre. Étant donné qu’elle vit encore chez ses parents, elle reçoit beaucoup de leur aide pour ces tâches-là. Le plus dur, c’est monter ou descendre les escaliers, s’habiller et utiliser son téléphone.
À la maison, tout est bien organisé, mais il n’y a pas spécialement d’adaptations qui ont été mises en place. Sa maman s’occupe de son linge et quand c’est fait, tout est bien organisé dans ses armoires. Elle utilise une application qui lui indique les couleurs quand elle veut s’habiller. Elle explique aussi que c’est sa maman qui fait généralement les courses, mais elle essaye tout de même d’y participer en allant, elle aussi, au magasin. Elle a cependant besoin de quelqu’un pour l’assister à voyager de rayon en rayon. Elle ne peut pas lire les étiquettes correctement et explique qu’elle ne peut absolument pas connaître les dates de péremption des aliments, car elles ne sont pas disponibles en braille. Quand elle doit passer à la caisse ou même procéder à n’importe quel achat, elle utilise tout le temps sa carte de banque. Cela la dispense de devoir utiliser de la monnaie, chose très compliquée pour elle. Ce sont les petites choses du quotidien, mais elle ne voit pas d’autres difficultés en particulier.
Heureusement, sa scolarité a été facilitée, car elle a pu bénéficier d’un enseignement spécialisé. Elle pouvait compter sur sa titulaire si elle avait besoin de quelque chose de spécial et ses professeurs ont toujours fait en sorte de donner la meilleure aide possible. Tout cela, ce n’était pourtant pas son choix. Elle avoue qu’elle aurait préféré un enseignement ordinaire, mais on lui a empêché de le faire. Étant donné qu’elle se savait en enseignement spécialisé, elle se sentait constamment diminuée. On lui a aussi interdit l’accès à l’option cuisine. Elle voulait absolument choisir cette voie-là, mais n’a pas pu. Son école a toujours décidé de ses options. Elle aurait également aimé réaliser un stage en dehors de son établissement scolaire, mais, ça aussi, on lui en a empêché.
Par après, elle rêvait de devenir animatrice ou éducatrice et travailler dans le social, mais on lui a dit que c’était impossible avec son handicap. Elle a donc pris la décision de ne pas entreprendre d’études supérieures.
Au niveau social, elle explique se servir des odeurs et des voix pour reconnaitre les gens, mais a beaucoup de difficulté quand elle a quelqu’un qu’elle vu très peu de fois devant elle. Elle a toujours eu ce sentiment d’être rejetée, car elle dit « ne pas être comme tout le monde ». Cela s’est confirmé avec ses demandes de stage ou de job étudiant sans cesse refusées. À l’école, elle avait beaucoup de mal dans les travaux de groupe, car elle était souvent la seule avec une déficience mentale. Elle était donc souvent mise à part et explique donc que son intégration ne se passait jamais vraiment bien. Elle a changé plusieurs fois d’école. En première secondaire, on la surnommait « l’aveugle » et on en profitait pour faire des choses derrière son dos. Cela lui fait peur pour son avenir, car elle ne veut pas vivre les mêmes choses plus tard. Le fait qu’elle n’accepte pas son handicap crée parfois un malaise chez les autres et elle a l’impression que cela peut engendrer un frein dans sa vie. Elle très peu confiance en elle. À cause de cela, elle fait très peu confiance aux gens, car beaucoup ont profité d’elle ou ont été présents par pitié.
Heureusement, elle a sa famille à ses côtés pour l’aider au quotidien, même si elle explique que cette dernière n’a pas forcément bien réagi lors de l’annonce de son handicap. Cependant, elle est contente de les avoir à ses côtés, car ils ne la font pas passer pour quelqu’un de différent, contrairement au monde extérieur.
Enfin, concernant les liens avec le livre « Nouveaux regards sur la vision », de Laurence Winckler, on apprend dans le chapitre 1, « la conscience visuelle : un regard au-delà de l’œil », que la vision, c’est voir. Mais c’est également tout ce que cela autorise tel que le déplacement, la préhension des objets, etc. À travers cela, on peut comprendre pourquoi la jeune fille éprouve des difficultés dans ses déplacements, que ce soit en rue ou chez elle. Je peux également faire un lien avec le chapitre 5 concernant la reconnaissance des visages. En effet, ce chapitre nous parle de l’agnosie visuelle, c’est-à-dire l’incapacité d’identifier et reconnaitre visuellement les images, les visages, les formes, les couleurs ou les objets. La jeune fille que j’ai interrogée m’a expliqué que due à sa cécité, elle ne pouvait pas reconnaitre visuellement les personnes de son entourage. Elle doit faire appel à ses autres sens tels que l’audition afin de reconnaitre la voix ou encore l’odorat.
Pour ce qui est du rôle de l’orthopédagogue, à la suite du témoignage de cette jeune fille, je me suis rendu compte que la déficience visuelle était encore un handicap peu connu. De ce fait, comme elle nous l’expliquait, les gens ont tendance à aider par pitié, à faire quelques remarques ou encore entamer une discussion qui tourne encore du handicap. Je pense donc que dans un premier temps, le rôle de l’orthopédagogue est de sensibiliser les autres personnes, que ce soit dans les écoles ou sur les lieux de travail. Grâce à cela, l’orthopédagogue pourrait, par la suite, faire prendre conscience que l’inclusion des personnes à besoins spécifiques dans la société est importante. Enfin, il pourrait alors proposer certains aménagements raisonnables dans les établissements scolaires, mais également dans les sociétés ou autres lieux de travail.
Sources :
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Mbo Gonda. (2020). Cours de déficience sensorielle. HE2B, Defré.
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Winckler, L. (2005). Nouveaux regards sur la vision : enjeux, recherches, perspectives. CLM, pp. 7-37, France.
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Interview réalisé par S.