
Manon Impens
Ressources et des procédures d'accompagnement des personnes à besoins spécifiques
Introduction :
Dans le cadre du cours de ressources et des procédures d’accompagnement donné par monsieur Mbo Gonda, il nous a été demandé de nous intéresser à un fait d’actualité concernant le handicap, de le décrire, de justifier notre choix et d’expliquer les aménagements déjà mis en place. Par la suite, il nous a également été demandé de faire un lien avec l’orthopédagogie.
Accès à la culture : quels aménagements mis en place pour une personne malvoyante ?
Choix du sujet d’actualité
Nous avons choisi de parler de l’accessibilité des musées pour les personnes atteintes d’une déficience visuelle car l’accès à la culture et au patrimoine est le 27e droit énoncé́ dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH). De plus, en Belgique, des décrets s’opposent à la discrimination basée sur le handicap et incitent à intégrer les personnes à besoins spécifiques dans tous les secteurs de la société́.
Cependant, dans les lieux culturels de notre pays, très peu d’aménagements sont réalisés en faveur d’une accessibilité́ pour tous. Le bâtiment n’offre pas un accès facile à toutes les salles, le personnel d’accueil est mal informé, les visites guidées ne sont pas adaptées, etc. Or, les personnes déficientes visuelles représentent un public qui visite énormément les musées, plus ou moins de mêmes proportions que le public voyant.
En outre, les musées sont les témoins de notre Histoire et des lieux privilégiés d’apprentissage, de découvertes et d’ouverture d’esprit. Il nous semble donc important que ces lieux soient accessibles par et pour tous !
Le fait d’aménager les musées apportera plusieurs enjeux importants, par exemple : favoriser l’inclusion, améliorer le confort, respecter ses visiteurs, développer l’universalité, élargir son marché, rendre les personnes autonomes…
Dans ce travail, nous allons donc parler des aménagements déjà présents dans certains musées, des freins à l’inclusion des personnes atteintes d’une déficience visuelle et de notre rôle en tant qu’orthopédagogue. Afin de compléter notre travail, nous avons contacté une personne atteinte d’une déficience visuelle dans le but d’entendre son avis sur les aménagements déjà existants, dans les musées, mais également sur les pistes de solutions que nous allons proposer.
Aménagements existants
Même si le chemin est en encore long, nous voyons que certains musées mettent certaines adaptations en place. En voici quelques exemples :
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Le Musée des Beaux-Arts de Gand propose des visites guidées adaptées en fonction de l’exposition temporaire du moment ainsi que des expériences tactiles et une description verbale.
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Au Mu.ZEE à Ostende, plusieurs œuvres ont été reproduites dans des versions 3D, ce qui permet de les appréhender par le toucher. Dans la sculpture 3D, les couleurs sombres (le noir et le gris) sont traduites par une surface rugueuse, tandis que les couleurs claires (le blanc…) sont, au contraire, douces au toucher.
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Le MAC’s du Grand-Hornu, un site industriel magnifique inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ils proposent des : maquettes, thermoformages (plaques didactiques en braille), extraits musicaux et textes en braille. Des guides spécialisés accompagnent des groupes.
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La salle des oiseaux du Monde de Kina (La Maison) à Gand dispose d’une nouvelle salle d’écoute gorgée de parties tactiles. L’expo Suskewiet a été conçue pour des enfants malvoyants et aveugles. En entrant dans la salle, les visiteurs sont accueillis par le message d’un pic-vert. Une table tactile permet aux enfants de découvrir les différentes caractéristiques d’oiseaux en touchant et en écoutant, avec la nature et des chants d’oiseaux en guise de bande sonore.
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Le Musée du Doudou à Mons : les Amis des Aveugles ont participé à l’adaptation du musée. Chaque pièce est sonorisée, il est possible de toucher des éléments des costumes et il y a une audiodescription des œuvres avec un audioguide.
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Le Musée des instruments de musique (MIM) propose depuis 2000 des « visites sensorielles ». C’est un espace dédié à la pratique musicale (séparé des salles d’exposition), elle permet de manipuler les instruments à loisir. Ce musée comprend également des personnes spécialisées dans le domaine : une ergothérapeute et un éducateur spécialisé.
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Certains musées acceptent l’accompagnement du « chien guide » dans l’enceinte de l’établissement.
Il existe également une structure extérieure aux musées : les Amis Des Aveugles. Cette organisation collabore avec de nombreux musées pour rendre accessibles certaines expositions. Ils proposent des formations à la déficience visuelle au personnel muséal et proposent des aménagements afin de faciliter l’accueil des personnes malvoyantes. Ils sont parfois amenés à travailler sur l’adaptation concrète des œuvres exposées.
Ils utilisent : l’audiodescription de l’œuvre, le thermogonflage (faire gonfler une zone de la feuille de papier sous l’effet de la chaleur), mais également les maquettes texturées afin de se représenter le tableau.
On retrouve également le programme « Equinox ». Ils vont trouver l’angle d’approche optimal pour représenter l’œuvre sélectionnée : aborder le toucher pour la sculpture et l’audiodescription pour la peinture, grâce à une mise en récit des éléments du tableau.
Par ailleurs, ils intègrent aussi d’autres éléments : manipulations d’objets, extraits sonores ou musicaux, citations d’artistes…
Les musées offrent également la gratuité de la visite pour les personnes à mobilité réduite.
Les freins à ces nouveaux aménagements
Bien que certains aménagements soient mis en place pour favoriser l’accès à la culture aux personnes en situation de handicap visuel, il existe certaines contraintes attestant du contraire.
En effet, comme le souligne l’étude française réalisée sur 127 musées par l’auteur Rachel Chenu en 2018 (parue dans son article Musées et handicap : les freins de l’accessibilité), multiples sont les freins à la mise en accessibilité des musées car différents types de difficultés en seraient à l’origine.
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L’accessibilité est souvent réduite suivant la position et l’implantation du centre culturel (milieu urbain/rural/escaliers…) ;
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Certains problèmes techniques sont rencontrés comme le fait de devoir baisser la luminosité sur certaines œuvres pour les protéger… Il devient donc difficile et inconfortable, pour une personne malvoyante, de fixer son attention sur cette dernière ;
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Les limites financières sont telles qu’elles ne permettent pas la mise en place d’un matériel adapté et d’un aménagement spécifique des locaux. La plupart des musées étant des organisations à but non lucratif (ASBL), ils doivent survenir à ces adaptations par leurs propres moyens (souvent rendu impossible) ;
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Le manque de formation du personnel sur les handicaps ;
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Le manque de soutien financier et politique des musées ;
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…
Ces remarques sont celles qui ont été formulées par les musées qui ont participé à l’étude de Rachel Chenu. Elles concernent la France, mais certaines de ces caractéristiques sont également présentes dans les musées belges.
Selon le guide pratique de l’accessibilité de Brusselsmuseums, d’autres caractéristiques seraient mises en avant telles que le contraste avec les couleurs, la nature du sol, les accès à l’extérieur…
Que faire en tant qu’orthopédagogue ?
En tant qu’orthopédagogue, notre rôle est dans un premier temps d’informer le personnel du musée en lui expliquant ce qu’est la déficience visuelle, quels sont les besoins de ces personnes et quelles sont les choses qui pourraient être mises en place pour leur permettre une meilleure visite. Il serait intéressant dans ce cas de réaliser des séances d’information.
Ensuite, ce qui serait tout aussi intéressant, c’est de mettre en place un chemin sensoriel, pour permettre aux visiteurs atteints d’une déficience visuelle de suivre le parcours du musée, mais également de placer des pupitres devant chaque œuvre afin que celui-ci puisse s’arrêter et les découvrir à sa façon.
Afin que le visiteur puisse avoir accès à toutes les informations sur l’œuvre telles que le nom de celle-ci ou quelques informations supplémentaires, il faudrait proposer au musée de réaliser des plaquettes en braille. Celles-ci pourraient se trouver sur les pupitres pour faciliter l’accès.
De plus, proposer au musée de réaliser une maquette de celui-ci et la placer à l’entrée pourrait permettre aux visiteurs de visualiser l’entièreté du musée par le toucher. Une personne malvoyante n’utilisant pas ou très peu la vue, il est important de lui permettre d’utiliser ses autres sens.
Pour ce faire, il serait judicieux de proposer la réalisation de certaines œuvres en reliefs ou de mettre à sa disposition de la matière à toucher en rapport avec l’œuvre pour que, grâce au toucher, la personne puisse se faire une image mentale de l’œuvre représentée. L’ouïe peut également être utilisée grâce à la présence d’un guide ou d’un audioguide qui décrit en profondeur les œuvres.
Pour permettre une meilleure visite, il serait intéressant de proposer au musée de réaliser des tables d’orientation, représentant par exemple le plan en relief, et qui seraient réparties à différents endroits. Celles-ci aideraient le visiteur à se situer dans le musée.
En ce qui concerne les personnes malvoyantes, il se peut que celles-ci utilisent la vue. En tant qu’orthopédagogue il serait alors important de suggérer au musée d’utiliser de grands caractères contrastés, mais également de mettre des outils grossissants tels que des loupes par exemple.
Pour terminer, l’orthopédagogue peut sensibiliser le personnel du musée sur la lumière présente dans celui-ci. En effet, il faut porter une attention particulière sur l’éclairage. Celui-ci ne doit pas être trop fort afin d’éviter de gêner les personnes photosensibles.
Intervention d’un bénéficiaire
Interview avec Nacer, 62 ans.
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Avez-vous déjà visité des musées ?
J’ai déjà visité plusieurs musées tels que le musée des Sciences Naturelles et le musée des instruments de musique.
Je n’éprouve pas d’intérêt pour les musées d’art.
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Étiez-vous satisfait de vos visites ?
En général oui. J’ai un mauvais souvenir avec le musée de la porte de Hal.
En effet, lors de ma visite avec ma fille, j’ai voulu toucher les vestiges, les pierres qui étaient au sous-sol et le guide s’est énervé. Pourtant, ces vestiges étaient placés au sol et n’étaient pas encadrés par une vitre ou une barrière.
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Trouvez-vous que les musées sont adaptés aux personnes malvoyantes ? Avez-vous déjà visité des musées adaptés aux personnes malvoyantes ?
Certains musées sont adaptés, il y a par exemple la description en plusieurs langues, mais également en braille.
J’ai visité plusieurs musées à l’étranger, en Italie et en France plus particulièrement et je trouve qu’ils mettent pas mal de choses en place pour les personnes ayant des besoins différents.
Une des visites qui m’a particulièrement plu est ma visite du Château de Versailles. Lors de celle-ci le personnel était vraiment très sympathique et compréhensif. J’avais la permission de toucher les objets, de m’asseoir sur les fauteuils, etc. afin de pouvoir m’imaginer un maximum ce qui m’entourait.
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Qu’attendez-vous comme aménagements de la part des musées ?
Je n’attends pas grand-chose, car généralement les personnes malvoyantes ne se déplacent pas seules.
De plus, mettre beaucoup d’aménagements en place coûte cher et donc les musées ne vont pas faire grand-chose.
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Que pensez-vous des aménagements auxquels nous avons pensé ?
Je trouve en effet qu’il est très important d’informer le personnel, car il est vrai qu’ils ne savent pas toujours comment réagir face aux personnes malvoyantes.
Je trouve que mettre les autres sens en avant est également très important.
En ce qui concerne le chemin sensoriel et les tables d’orientation je ne pense pas que cela soit très utile, car généralement une personne malvoyante de visite pas un musée seule. En effet, sortir et se déplacer dans un endroit inconnu est très angoissant pour une personne malvoyante.
Sources :
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MuseumPASSmusées. (2019). 8 musées champions de l’accessibilité. En ligne : https://www.museumpassmusees.be/fr/articles/8-musees-champions-de-laccessibilite
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Lezy. C. (2018-2019). L’accessibilité muséale en Fédération Wallonie-Bruxelles pour les personnes en situation de handicap : États des lieux et pistes de solutions. En ligne : http://strategies.tourismewallonie.be/servlet/Repository/Lezy_Camille___TFE___Accessibilité_muséale_en_FWB.PDF?ID=38935
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Les amis des Aveugles. (s.d). Musée du Doudou adapté aux personnes aveugles ou malvoyantes. En ligne : https://www.amisdesaveugles.org/doc-doc_id-625-lg-1-page-10-rub_id-104-site-1.html
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Hériard, P. (s.d). Musées et handicap Guide pratique de l’accessibilité.
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Les amis des Aveugles. (s.d). Rendre les musées accessibles aux malvoyants et aveugles. En ligne : https://amisdesaveugles.org/doc-doc_id-1162-lg-1-page-1-rub_id-104-site-1.html
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Chenu, R. (2018). Musées et handicap : les freins de l’accessibilité. Une enquête auprès de 127 musées. En ligne : https://journals.openedition.org/culturemusees/2140
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Belspo. (s.d). L’accessibilité dans les musées fédéraux. En ligne : http://www.belspo.be/belspo/ScienceConnection/010/Toegankelijkheid%20FR.pdf?fbclid=IwAR19EoG3QVJ4FiP7RZD-86PaX0r-Ctcto1VOKKfDsY9jkZf8FvoBKfaQXkA
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Ricker, Parée, K. (2005-2006). Voir sans les yeux : la guidance muséale pour déficients visuels. En ligne : http://www.ethesis.net/yeux/yeux.htm?fbclid=IwAR0Hi0-5fS8uX83utrqjWvWs8EoTMBntR9-qb4xDA_0UhbIx10m-85njq34
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De Cannière, A-V. (2017). L’accueil des personnes aveugles et malvoyantes au musée. En ligne : https://www.gbnews.ch/personnes-aveugles-malvoyantes-musee/
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Google image. Accompagnement des personnes à besoins spécifiques. En ligne : https://www.google.com/search?q=accompagnement+personnes+handicap%C3%A9es&sxsrf=ALeKk03c0vTw-Yhizv6h8MmPuAgP32m7nQ:1610766001795&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ved=2ahUKEwinjOn6up_uAhUMzaQKHe5ZBo8Q_AUoAXoECAQQAw&biw=1280&bih=619#imgrc=Fk48iRMP-dTBHM
